pexels-andrea-piacquadio-3769151

LE CONGÉ MALADIE À TRAVERS LE CAS DU CHIKUNGUNYA

Après avoir lu un article sur les répercussions négatives de l’épidémie de Chikungunya sur la productivité des entreprises haïtiennes, il m’est venu à l’idée d’écrire un article sur les congés maladies bien que j’aie déjà rédigé un panorama sur les congés en général. Il est important, à mon sens, que l’employeur prenne en compte les droits de ses employés relativement à cette épidémie mais aussi de la manière fixée par le Code du Travail pour l’octroi de ce congé. Car cette procédure le protège contre toute intention de prendre des congés, sous prétexte d’une maladie « populaire », sans faire la preuve de la maladie.

Rappelons, bien que cela ait l’air redondant, que l’employé a droit au congé maladie que s’il est malade durant l’année en cours. Des apprenants m’ont posé des questions de ce genre au cours des formations que je dispense à l’École Hôtelière d’Haïti. J’ai vite compris que le bon sens déduit que : « Si j’ai droit au congé maladie cette année et que je ne tombe pas malade, si cela m’arrive l’année suivante je peux valablement revendiquer les congés de l’année précédente. » Mais l’employé ne peut revendiquer un double congé maladie sous prétexte de ne pas avoir été malade l’année précédente.

Mais être malade ne suffit pas, il faut le prouver. Le certificat médical est le seul document pouvant servir de preuve tant devant l’employeur que devant la Direction du Travail ou le Tribunal du Travail. Le certificat médical en plus de faire la preuve que l’employé est malade, détermine si son cas nécessite un congé et de combien de jours. Le certificat médical ne s’obtient pas de n’importe quelle façon, par son médecin personnel ou sous référence d’un ami. Selon l’article 131 du Code du Travail, le certificat médical doit émaner du médecin de l’entreprise ou de service public. Cependant, un l’employé qui obtient son certificat d’un médecin privé, en cas d’absence de médecin de l’entreprise, fait bien la preuve de sa maladie au regard de la jurisprudence mais l’employeur peut contester les jours de congé recommandés et recourir à une contre-expertise du médecin de service public. Du côté de l’employé, le rapport du médecin de l’entreprise peut aussi être contre-expertisé par celui du médecin de service public au cas où il jugerait que le premier ne qualifie pas son état réel et des soins nécessaires à sa guérison.

Pour avoir le droit au congé maladie il faut d’abord soumettre le certificat médical c’est logique du point de vue temporel. La loi ne définit pas strictement le moment de la soumission du certificat. Cependant, le certificat médical définit le nombre de jours de congé relatifs à la maladie et à son traitement, il doit donc être soumis avant l’octroi de ce congé. Le chikungunya est une maladie de surprise. Je veux dire par là qu’un employé peut être en pleine forme ce matin au bureau, sentir un peu de malaise vers l’après-midi et être complètement malade avec de fortes fièvres et des douleurs atroce la nuit venue. Tout ça pour dire que l’employé peut ne pas avoir la possibilité de produire un certificat médical à son employeur faute de capacité physique. Dans les cas les plus graves il peut ne pas pouvoir appeler au bureau pour informer de sa maladie, pensez aux employés qui vivent seuls et même s’il informait son employeur où est la preuve ? L’absence de preuve ne signifie pas que l’employé n’est pas réellement malade. Je réponds rapidement que l’employeur peut dépêcher le médecin de l’entreprise au chevet de son employé afin de produire le certificat médical…élémentaire mon cher Watson ! Mais que dire des entreprises ne disposant pas de médecin . Car le retard de production de certificat médical, n’est pas dû par la faute de l’employé mais par la nature même de la maladie qui est foudroyante.

La réponse à cette question est une préparation de l’entrepreneur en cas d’épidémies. Oui, vous avez bien lu chers entrepreneurs. Il ne suffit pas de se préparer au choc économique tel que les récessions ou la montée des matières premières sur le marché mondial mais aussi des épidémies et de leur répercussions légales et sur la productivité de l’entreprise. Nous en reviendrons à la fin de cet article.

Une fois le certificat médical délivré, c’est le nombre de jours de congé qui entre en scène. L’employé à droit selon le Code du Travail à trois mois de congé maladie. Oui, c’est bien ça, mais cela ne veut pas dire qu’à la moindre grippe il faut donner quatre-vingt-dix jours de congé à son employé. Trois mois c’est le délai maximum durant lequel l’employeur ne peut mettre fin au contrat (révoquer) de l’employé malade sous peine d’être accusé de résiliation abusive de contrat de travail. N’oublions pas que le certificat médical détermine le nombre de jours de congé. Donc, s’il faut huit jours à l’employé pour être en pleine forme pour recommencer à travailler et bien il n’aura droit qu’à huit jours et non quatre-vingt-dix. Mais si l’état de santé de l’employé nécessiterait plus de trois mois de congé l’employeur peut résilier de plein droit sans besoin de préavis son employé (noter que donner ou payer un préavis alors qu’on est en plein droit de ne pas le donner ou le payer constitue un risque que le Tribunal du Travail juge que : pour vous la résiliation n’est pas de plein droit !)

Maintenant, des trois mois de congé, quinze jours sont payés ou le nombre de mois de service fourni par l’employé. En plus clair, après douze mois de service l’employé a droit à quinze jours de congé payé soit un jour un quart comme pour les congés annuels. Donc un employé qui tombe malade après six mois de service ou six mois au cours de l’année a droit à la moitié des quinze jours de congé payé. Au-delà de quinze jours ou du nombre de jours de services fournis, l’employeur n’a plus l’obligation de payer les congés. Mais le patron est toujours tenu de ne pas résilier le contrat de l’employé s’il ne dépasse pas trois mois d’incapacité. Toutefois, l’employeur peut se trouver dans la situation où il doit payer trente jours de congé. C’est la même situation pour les congés annuels où l’employeur demande à la Direction du Travail l’autorisation de cumuler deux congés. La Direction du Travail peut octroyer ce cumul de congé maladie qui ne peut dépasser deux ans.

La gestion des cas d’épidémie susceptible de nuire à l’entreprise est d’une extrême importance et le chikungunya n’est pas là pour nous prouver le contraire. L’entrepreneur doit penser à un système d’urgence pour le traitement de ces cas tant du point de vue administratif, financier que légal. Pour ce qui est du Code du Travail, le mieux pour une entreprise c’est d’avoir son propre médecin. Mais dans notre pays où grande majorité des entreprises sont individuelles ou à chiffre d’affaires trop faible pour se permettre les services permanents d’un médecin, le recours à un contrat à durée déterminée avec un professionnel de la santé pour les besoins de la cause est donc recommandé. Je crois aussi que les médecins devraient se mettre à l’innovation de leurs services et proposer des contrats d’assistance aux entreprises en cas d’épidémie susceptible d’influencer négativement la vie de l’entreprise.

Partagez cet article

Scroll to Top
×