L’accident de travail est d’une telle complexité que l’on peine à répondre à tous les cas particuliers qui peuvent se présenter. Nous ne nous permettrons pas ici la prétention de pouvoir cerner cette complexité, toutefois, nous voulons poser les bases de ce concept juridique clef du droit de la sécurité sociale. Le législateur n’a pas complètement défini le concept d’accident du travail ni dans la loi du 28 août 1967 ni dans décret du 18 février 1975, laissant ainsi une liberté à la jurisprudence de délimiter ses contours. Cependant, la Cour a suivi le législateur en s’abstenant de définir l’accident du travail (sous réserve de nos recherches). Néanmoins, on peut trouver certaines tentatives hésitantes de définitions que nous verrons plus loin.
Le concept d’accident de travail
Selon l’article 22 alinéa c de la loi du 28 août 1967, l’expression accident du travail désigne toute lésion corporelle survenue par le fait ou à l’occasion du travail.
L’accident du travail est un événement soudain survenu par le fait ou à l’occasion du travail à un salarié d’une entreprise qui lui cause un dommage physique (lésion). Sous réserve que soient établies les circonstances matérielles de l’accident.
Dans la jurisprudence haïtienne on trouve quelques bribes de définition comme :
« … tout accident survenu aux travailleurs pendant le trajet de la résidence au lieu de travail et vice-versa, est réputé comme s’étant produit à l’occasion du travail » (Arrêt du 7 novembre 1963 2ème section Sedren S.A. contre Oxius Dormeus) ;
« Que donc, l’accident survenu in itinere et à l’occasion de l’emploi, tombe dans le champ de la responsabilité de l’employeur comme découlant, à défaut de faute, des risques professionnels de son entreprise … » (Arrêt du 28 Avril 1966, 2ème section, Compagnie Sucrière Cubano-Haïtienne S.A. contre Gracieuse St. Vallières).
Dans la convention C012 sur la réparation des accidents du travail (agriculture), on trouve ce même silence mais on peut extirper une infime définition dans l’article 1er :
« Tout membre de l’Organisation internationale du Travail ratifiant la présente convention s’engage à étendre à tous les salariés agricoles le bénéfice des lois et règlements ayant pour objet d’indemniser les victimes d’accidents survenus par le fait du travail ou à l’occasion du travail. »
…un événement soudain
Il ne faut pas confondre l’instantanéité et la soudaineté de l’événement. L’instant étant inaccessible au droit pour avoir une existence trop éphémère. L’instant est une frontière entre le futur et le passé. Au moment où l’instant est pris en compte, il se perd déjà dans le passé. Pour donner un ordre d’idées : une seconde correspond à cent centièmes de seconde (100/100). On peut donc rendre l’instant aussi éphémère que l’on divise le temps. Le cerveau humain ne peut imaginer un événement se produisant dans l’ordre de la picoseconde soit égal à un millième de milliardième de seconde (0,000 000 000 000 000 1 de seconde). Même à cette échelle l’instant est encore infiniment petit pour mieux dire : sans unité de mesure ou limité par l’échelle de Planck.
Pour cela, l’événement de l’accident de travail doit être soudain, c’est-à-dire dans un laps de temps perceptible par la conscience humaine. Une jambe cassée sur les lieux du travail correspond à un événement soudain vu la brièveté de la fissure osseuse. La soudaineté exclut toute lésion qui se produit pendant un temps plus ou moins long. Une lésion causée par un geste répétitif n’est pas un accident de travail de même une action prolongée dans le temps. Cependant, une maladie survenue après une piqûre d’insecte ou celle d’une seringue, une jambe cassée sont constitutifs de l’accident. Une maladie préexistante peut être considérée comme un accident de travail dès lors qu’elle se manifeste à partir d’un acte soudain comme un effort brusque, par exemple un arrêt cardiaque.
… par le faire ou à l’occasion du travail
L’accident du travail est circonscrit dans l’espace et dans le temps du travail. Il est aussi déterminé par sa relation au travail. Tout accident qui se produit par et à cause du travail peut-être un accident du travail. De même que tout accident qui se produit dans l’espace de travail. Il faut aussi souligner que l’accident en plus de son aspect spatio-temporel lié au travail est aussi relié au contrôle de l’employeur sur son employé. Ce qui implique que tout accident survenu pendant que l’employé est sous la subordination (contrôle) de son patron est considérée comme un accident de travail. Ce rapprochement entre l’espace-temps du travail et le contrôle de l’employeur est justifié par le fait que ce dernier se limite au premier nonobstant les cas d’exception. Il faut comprendre, que le droit du travail et le droit de la sécurité sociale sont tous deux liés par le concept de subordination. Pour l’un il détermine le contrat de travail pour l’autre il justifie du contenu de l’accident du travail comme concept juridique.
Le lieu de travail
Le lieu de travail est déterminé dans un premier temps par l’espace physique d’exécution du contrat de travail : les machines de production, la cour de l’entreprise, le bureau de l’employé, etc. Il faut souligner que le lieu du travail peut se situer hors de l’espace physique de l’entreprise, c’est le cas par exemple, du technicien qui travaille à la réparation ou la maintenance de l’appareil acheté par un client de l’entreprise chez lui ou à son bureau.
Le temps de travail
Le temps de travail est déterminé par la durée normale de travail et les heures supplémentaires. Ils constituent cette période où l’employé est sous la subordination de son employeur. Employé victime d’accident pendant les heures de pause (repos intercalaire) est des accidents de travail.
Le travailleur qui quitte l’espace de travail pour des raisons personnelles ne bénéficie pas de la protection de sécurité sociale pour tout accident survenu pendant cette période. Inversement tout travailleur qui quitte l’espace de travail pour des raisons professionnelles sont couverts par l’assurance accident de travail. La suspension temporaire de contrat de travail suspend la couverture en suspendant la subordination. C’est aussi le cas des congés et jour fériés qui supprime provisoirement la subordination.
…cause un dommage
La cause du dommage peut être interne ou externe à l’ouvrier. Elle est externe lorsqu’elle survient en dehors de son corps : un marteau qui lui fracasse le crâne, un rouleau compresseur qui lui écrase un bras. Elle est interne lorsqu’elle se produire à l’intérieur de son corps comme un mouvement brusque, un effort physique intense ou encore un faux mouvement.
Ne sont pas considérés comme accident du travail
Les accidents survenus à un travailleur qui se trouve en état d’ivresse. Les accidents que la victime a provoqués intentionnellement. L’intention est importante pour définir l’accident de travail. L’employé ne peut manifester la volonté d’être une victime d’accident du travail. Toute volonté de la sorte fait disparaître le concept encore que l’accident ait lieu dans l’entreprise et sous subordination de l’employeur. Les accidents résultant d’un délit punissable, une tentative de suicide ou un risque à laquelle la victime aurait participé volontairement. Dans les paragraphes précédents, nous avons dit que le législateur n’avait pas défini le concept d’accident de travail, néanmoins dans l’article 30 de la loi du 28 août 1967 il explique ce qu’il n’est pas à travers ce que nous venons de voir.
Absence de lien avec le travail
Tous les accidents survenant hors des lieux du travail et hors de la subordination n’ont aucun lien avec le travail. C’est le cas de l’employé qui quitte son bureau pendant les heures de travail pour raisons personnelles avec ou sans autorisation. C’est aussi le cas de l’employé qui rend visite à ses collègues de travail alors qu’il est en congé.