??????????

POURQUOI LA LUTTE POUR UN SALAIRE MINIMAL DE HTG 1,500,00 ECHOUERA-T-IL ?

C’est quoi le salaire minimum ?

Le salaire minimum est le plus bas salaire qu’un employeur peut légalement verser en contrepartie du travail fournir par l’employé. En dessous de ce seuil, le salaire est illégal. Il est déterminé par Arrêté présidentiel sur recommandation du Conseil Supérieur des Salaires (CSS). Cette limite tout en gênant la loi de l’offre et de la demande, selon les néolibéraux, contraint l’employeur à ne pas accomplir ce que Marx a toujours dénoncé à savoir : la baisse des salaires pour maximiser les profits. C’est dans cette perspective de protection de l’employé que le législateur interdit par norme d’ordre public toute négociation à la baisse du salaire minimal entre les parties.

Le salaire minimal est fixé par loi ou décret sur rapport motivé du Conseil supérieur des salaires au ministère des Affaires sociales.

Il sera périodiquement ajusté en fonction des variations du coût de la vie ou toutes les fois que l’indice officiel de l’inflation fixé par l’Institut haïtien de statistique et d’informatique accuse une augmentation d’au moins 10 pour cent sur une période d’une année fiscale.

Article 137 code du travail

Tout accord passé entre l’employeur et le travailleur sur une base inférieure au salaire minimum prévu par la présente loi est considéré nul et de nul effet.

Article 3 loi 5 octobre 2009 dit loi Benoit

 

Des revendications justifiées

Depuis le 10 décembre 2021 les prix du carburant ont augmenté emportant avec lui celui des autres produits. Doper par une crise politique qui dure depuis 3 ans, les prix continuent de gripper avec les nouveaux prix du carburant sur fond de crise systémique depuis le 7 février 1986. Nos problèmes d’aujourd’hui viennent de très loin. Sur le site de la BRH la variation de l’indice des prix à la consommation en rythme annuel par groupe de dépenses en décembre 2021 était de 24.6%. Selon un bulletin publié par le Conseil National de la Sécurité Alimentaire (CNSA) en septembre 2021, le panier a augmenté de 38.5% par rapport au mois de janvier de la même année. Des chiffres qui justifient une augmentation des salaires minima selon le code du travail (Article 137 code du travail).

Il convient de souligner aussi que par rapport au mois de janvier de cette année (2021), la valeur du panier a augmenté de 38.5%. Selon les normes SPHERES qui fixe le nombre de kilocalories minimum à 2100 kl, le coût nominal moyen du panier alimentaire du mois de septembre 2021 est de 2,828 gourdes par mois soit 14, 139 gourdes pour une famille de 5 personnes

Bulletin : Panier alimentaire et conditions de sécurité alimentaire, Septembre 2021, CNSA

 

l’indice des prix à la consommation en rythme annuel par groupe de dépenses en décembre 2021

 

Les raisons de l’échec annoncé de la lutte

Aussi juste que soient les revendications des ouvriers, elles se solderont par un énième échec. Voyons les raisons qui expliquent cette déraison. Elles se déterminent par la faiblesse de l’État, le marasme économique, la faiblesse des syndicats, l’histoire récente des augmentations des salaires minima, le peu d’offre d’emploi, les classes sociales du salaire et l’influence étrangère.

 

La faiblesse de l’État

Les conditions de travail sont frappées par la crise et la mauvaise gouvernance autant que tous les autres secteurs de la vie nationale. Le travail de fonctionnement pas en vase clos. Un État faible ou failli ne peut pas administrer correctement son territoire et se fait dicter ses actions par des groupes d’intérêts puissants tant nationaux qu’internationaux. Ces groupes d’intérêts puissants sont très souvent les pourvoyeurs d’emplois. Il est donc logique de s’attendre à ce que les décisions politiques suivent leur chemin que celui des employés livrés à eux-mêmes. Cette faiblesse de l’État est un corollaire de la mauvaise gouvernance qui produit le marasme économique que nous connaissons.

 

Le marasme économique

Cet économique qui ne produit pas ou peu de richesse piège ses agents ou certains d’entre eux. Quand on parle de patronat, on classe tous les patrons dans le même panier par pensée simpliste. Mais c’est une erreur. Car, certains employeurs sont aussi des employés. C’est le cas des chefs de familles qui engage des gens de maison (servante ou/et gardien). Ils sont entre huit et seize heures (nous caricaturons) des employés et pour le reste de la journée des patrons. Ou encore des employés qui à coté de leur travail gèrent un PME embauchant d’autres employés. La cloison entre patronat et le salariat n’est pas si étanche que l’on pourrait le penser. Si les grands patrons peuvent résister à une forte augmentation du salaire minimum, nous ne sommes pas sûrs que les petits, eux-mêmes des employés puissent tenir face à un tel changement si rapide et négatif dans leurs chiffres d’affaires. Sans compter que ces patrons-employés ne sont pas concernés par l’augmentation des salaires minima puisque leurs salaires à eux sont déjà bien au-dessus de cette limite légale soit de 100% soit de 500%. Ce marasme engendré par des décennies de mauvais choix politiques empêche toute forte augmentation étant nuisible à beaucoup trop de monde, même des employés.

Les gens de maison sont ceux qui se consacrent de façon habituelle et continue aux travaux de nettoyage, de jardinage, d’entretien ou à tous autres travaux domestiques propres à un foyer ou à tout autre lieu de résidence ou d’habitation particulière ou dans une institution privée ou publique de bienfaisance et qui ne comportent ni bénéfice, ni opération commerciale pour l’employeur ou les membres de sa famille.

Article 254 code du travail

 

La faiblesse des syndicats

Les syndicats perdent d’année en année un peu plus de leur force de frappe. La raison a une trop faible syndicalisation des travailleurs. Et pour cause une perception, erronée d’ailleurs, que le syndicat est l’affaire des ouvriers de la sous-traitance ou des fonctionnaires de l’État. Or un syndicat a pour mission de défendre les intérêts de leurs membres face au pouvoir juridico-économique de l’employeur. Ce qui fait la force d’un syndicat ce n’est pas sa capacité à détruire l’entreprise dans laquelle travaillent ces membres mais plutôt sa capacité à troubler la bonne marche de l’établissement par un outil de revendication dénommé : la grève. Donc moins un syndicat a de membres moins il peut agir dans l’intérêt de ses membres. Rappelons que le syndicat n’est pas l’affaire des ouvriers de la sous-traitance ou des fonctionnaires de l’État mais celui de tous les employés de tous les secteurs économiques. Rappelons aussi que le salaire minimum ne concerne pas seulement des ouvriers de la sous-traitance mais tous les secteurs de la vie économique. Par conséquent, une revendication d’augmentation de salaire minimal ne devrait pas seulement concerner que ces employés. Les ouvriers de la sous-traitance sont donc seuls dans un combat qui concerne beaucoup de monde.

Est un syndicat toute association permanente de travailleurs, d’employeurs ou de personnes exerçant une profession ou une activité indépendante groupés exclusivement aux fins d’étude, de coordination, de défense et d’amélioration de leurs communs intérêts économiques, sociaux et moraux.

Article 226

La grève est une cessation du travail concertée et réalisée au sein d’un établissement par un groupe de travailleurs en vue d’obtenir la satisfaction de revendications présentées à leurs employeurs et dont ils font la condition de la reprise du travail.

Article 203 code du travail modifié par le décret du 27 mai 1986

 

L’histoire récente des augmentations des salaires minima

Les salaires minima ont rarement subi de fortes augmentations. Lorsque cela arrive c’est parce que plusieurs années se sont écoulées depuis la dernière augmentation. Sur le tableau ci-dessous vous verrez les augmentations du segment A depuis 2014 à nos jours.

Année Salaire minimal (HTG) Augmentation (HTG) Pourcentage d’augmentation %
2014 260  
2016 340 80 30.77
2017 400 60 17.65
2019 550 150 37.5

Vous remarquerez que l’augmentation n’a jamais atteint les 50% depuis 2014. La revendication des HTG 1,500.00 des ouvriers correspondrait à une augmentation de 300% de leur salaire minimal actuel qui est de HTG 500.00. Il y a peu de chances que le gouvernement acquiesce à un tel changement. Il faut aussi prendre en compte que l’Arrêté sur la future augmentation de salaire minimal devra aussi augmenter les salaires des autres segments. Or le segment de la sous-traitance, le segment F, n’est jamais le segment au salaire minimal le plus élevé, qui est plutôt le cas du segment A.

 

Le peu d’offre d’emploi

Un marché de l’emploi avec une offre aussi faible fait baisser la valeur du travail pour les employeurs et l’augmente pour les employés. Pour un poste, il y a des centaines voire des milliers de postulants. Ce qui a pour effet de rendre peut nécessaire l’employé qui l’occupe. Il est facilement remplaçable sauf dans des cas de compétence rares. Mais cette situation exceptionnelle est aussi rare que la compétence. Les ouvriers n’auront pas la force de continuer une lutte sans fin alors qu’ils sont si facilement interchangeables. Ils s’épuiseront et se remettront au travail comme ce fut le cas dans les années précédentes. La tension tombera et les nouveaux salaires minima entreront en vigueur.

 

Les classes sociales du salaire

Les salaires reflètent votre appartenance à une classe sociale haïtienne. Avec un salaire HTG 15,000.00 vos faites parties de la haute classe défavorisée. À HTG 30,000.00 vous êtes déjà dans la classe moyenne. À HTG 50,000.00 vous êtes déjà un cadre de ladministration privée. Depuis quelques années la société est ainsi organisée surtout avec les très rares et très peu augmentation des salaires. Et la crise politique qui sévit depuis 2018 nest pas pour améliorer la situation. Avec une telle classification comment imaginer une augmentation de 300% du salaire minimum de la soustraitance ? Elle correspond à un salaire de HTG 45,000.00. Ce qui reléguerait le cadre dans le même panier que les ouvriers non qualifiés et diminuerait la valeur sociale de ce salaire et la fonction qui y correspond. Même avec un salaire minimal augmenté de HTG 1,000.00 on aurait un salaire de HTG 30,000.00. Les employés ayant un salaire inférieur à ce montant se dirigeront tous, vers la sous-traitance qui, nous doutons fortement, ne pourrait pas absorber ces nouveaux venus avec ses plus de 57 000 employés. Pensons un instant entre modifier tous les salaires pour redéfinir de nouvelles classes sociales et maintenir le statu quo lequel de ses deux options sera le choix de la société et du gouvernement .

 

L’influence étrangère

Dans un article publié par le journal Le Nouvelliste le 10 juin 2011 fondé sur des fuites d’informations (Wikileaks), nous apprenons les pressions exercées par l’administration d’Obama pour empêcher une augmentation considérable des salaires minima dans l’intérêt de ses entreprises américaines. Nous ne savons pas ce qui se trame au sein de la Maison-Blanche ou le Département d’État mais nous pouvons depuis 2011 poser l’hypothèse d’une résurgence de ces mêmes pressions pour les mêmes raisons. Et quand on songe à la dépendance politique du gouvernement de facto actuel, on a des chances de ne pas se tromper.

Les deux hebdomadaires doivent publier des articles sur les pressions exercées par le département d’État américain pendant l’administration de Barack Obama pour empêcher le gouvernement haïtien de faire passer le salaire minimum de 24¢ à 61¢ de l’heure, ou 5$ par jour. Intervenant à la demande des compagnies américaines Hanes et Levis, Washington a réussi à convaincre le gouvernement haïtien de fixer le salaire minimum à 3$ par jour dans les usines textiles, a rapporté le journaliste Richard Hétu dans son blog.cyberpresse.ca Le département d’Etat ne se prononce pas « Question de politique, le département d’État ne se prononce pas sur les documents qui sont censés contenir des informations confidentielles et condamne fermement toute divulgation illégale de ce genre d’informations », a confié au journal Le Nouvelliste Jon E. Piechowski, porte-parole de l’ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince, vendredi 10 juin 2011.

Petrocaribe/Salaire minimum, Haïti/USA : Wikileaks balance, Publié le 10 juin 2011, Lenouvelliste

 

En conclusion

Trop de paramètres à surmonter pour réussir cette autre lutte pour un salaire décent dans le secteur de la sous-traitance en particulier et le monde du travail haïtien en général. Les obstacles sont trop grands pour un délai de revendication aussi court. La solution viendra d’un changement du système politique et économique avec effet sur le social. Malheureusement, on en est encore loin. Nous pronostiquons donc une augmentation du salaire minimal dans une fourchette de HTG 60.00 à HTG 150.00. Si nous nous trompons, ce sera sans aucun doute bonne nouvelle pour les employés les plus vulnérables et défavorisés par un salaire de misère dit : « un salaire tuberculose. »

 

Références numériques et légales

  1. Code du travail ;
  2. Loi du 5 octobre 2009 fixant le salaire minimum à payer dans les établissements industriels et commerciaux, dit loi Benoit ;
  3. Arrêté du 16 avril 2014 fixant le salaire minimum ;
  4. Arrêté du 4 mai 2016 fixant le salaire minimum ;
  5. Arrêté du 25 juillet 2017 fixant le salaire minimum ;
  6. Arrêté du 30 octobre 2019 fixant le salaire minimum ;
  7. Variation de l’indice des prix à la consommation par groupe de dépenses Décembre 2021 https://www.brh.ht/variation-de-lindice-des-prix-a-la-consommation-par-groupe-de-depenses-decembre-2021/
  8. Bulletin de la CNSA : Panier alimentaire et conditions de sécurité alimentaire. Septembre 2021 https://www.cnsahaiti.org/Web/Food_Basket/Septembre%202021/Bulletin_Foodbasket-septembre%202021.pdf
  9. Petrocaribe/Salaire minimum / Haïti/USA : Wikileaks balance / Publié le 10 juin 2011 / Lenouvelliste\ https://lenouvelliste.com/article/93639/haitiusa-wikileaks-balance

 

HDIT Cabinet Volmar se fera un plaisir de vous accompagner et satisfaire vos besoins en service juridique. Pour toutes informations cliquez ici ou plus directement sur WhatsApp en cliquant ici.

Partagez cet article

Scroll to Top
×