Nous sommes tous habitués aux étrangers qui travaillent en Haïti. Ils sont la plupart du temps haut classés dans la hiérarchie de l’entreprise et leurs conditions de travail suscitent parfois la frustration de certains employés. Le Code du Travail (CT) organise dans le chapitre VII de la loi # 7, le travail des étrangers par un régime juridique spécial tenté de nationalisme et de protection de la main-d’œuvre et des professions locales. Tout en profitant de vulgariser le droit des affaires en général et le droit du travail en particulier, je compte présenter dans cet article un regard du Code du Travail sur l’étranger et la protection des intérêts nationaux. Et en même temps vous permettre de faire votre propre lecture sur la question de l’autorité de l’État, non pour le constater vous le savez déjà mais d’avoir un énième exemple parmi les plus frustrants qui existent au sein de cette nation. Mais avant tout examinons le régime juridique de l’employé étranger qui travaille en Haïti.
Le permis de travail et le travailleur etranger
Tout comme un Haïtien qui voudrait travailler dans un pays étranger, l’étranger doit disposer de certains documents l’autorisant à travailler sur le sol haïtien. Ces documents sont de deux types :
- le permis de travail, s’il exerce un métier ou une profession. Pour ce type de permis on peut y voir les postes stratégiques tels que la direction générale, les directions, les services, la supervision etc. Pourquoi ces postes ? Parce qu’ils exigent de l’employé des compétences qui ne sont pas fondées essentiellement sur l’expérience mais surtout sur une formation académique ;
- le permis d’emplois pour les travaux destinés aux simples salariés. À l’opposé de la première catégorie celle-ci regroupe les ouvriers, les travailleurs pris dans leur sens commun et non les concepts juridiques du droit du travail.
Ces documents sont délivrés par la Direction de la Main-d’œuvre (DMO) du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST). Ces permis ne peuvent excéder une durée d’un an renouvelable selon le permis et l’appréciation de la DMO :
- jusqu’à cinq ans pour les permis d’emploi ;
- indéfiniment pour les permis de travail (selon François Latortue dans son livre le droit du travail en Haïti) ;
Obtenir un permis de travail ou un travailleur etranger
Pour obtenir un permis de travail ou un permis d’emploi, l’étranger doit soumettre les documents suivants :
- le passeport, le permis de séjour et trois photos d’identité ;
- un certificat de bonne vie et mœurs émanant de son pays d’origine ou de tout endroit où il a résidé pendant les cinq dernières années ;
- un certificat du Service de l’inspection générale du travail attestant que le travailleur étranger n’exerce pas un métier ou une profession en compétition avec des travailleurs nationaux exerçant la même profession ou le même métier à compétence égale ou un contrat de travail visé par la Direction du travail ;
- ses titres universitaires, ses diplômes d’aptitude professionnelle ou un certificat de compétence technique dûment légalisé
Contenu des permis
Dans le permis délivré par la DMO il y sera inscrit :
- Sa photographie
- Nom, prénoms et numéro du permis de séjour ;
- Nationalité ;
- Date et lieu de naissance ;
- Condition matrimoniale, nom du conjoint, nombre d’enfants, leurs noms et âges ;
- Domicile et demeure ;
- Métier ou profession, emploi pour lequel il a été embauché ;
- Les limites territoriales ou la localité pour lesquelles le permis de travail est accordé ou le nom et l’adresse de l’employeur (en dehors de ces lieux le travail est illégal) ;
- Date à laquelle commence et finit son emploi.
Les exceptions
Cependant, tous les étrangers ne sont pas contraints de remplir toutes ces conditions pour travailler en Haïti. C’est assez commun pour nous tous que le droit fait toujours des exceptions. Les étrangers qui peuvent travailler sans permis appartiennent cinq catégories définies par le CT, ce sont :
- Ceux qui sont détenteurs d’actions dans les entreprises nouvelles telles que définies par la loi ;
- Ceux de l’un ou l’autre sexe qui sont mariés à un haïtien et qui justifient de trois ans au moins de séjour ininterrompu dans le pays. Remarquez que l’état civil du mariage ne suffit pas, il faut en outre résider pendant un temps considérable sur le territoire ;
- Ceux qui résident dans le pays depuis au moins dix ans, ou bien qui sont au service d’un employeur lié à l’Etat par un contrat de travail ;
- les membres du clergé et le personnel des missions diplomatiques accréditées en Haïti ;
- le personnel des organismes internationaux ;
Les conditions
Les employés haïtiens devront gagner un salaire égal à celui des étrangers dans une même entreprise et dans une même fonction selon l’article 311 du CT. Pour délivrer un permis à un étranger la DMO doit s’assurer qu’il n’est pas possible de recruter une compétence haïtienne sur le marché du travail dans le domaine d’intérêt de l’étranger. Le travailleur étranger a pour obligation de former un ou plusieurs Haïtiens à se perfectionner dans le domaine qui est le sien sous peine du retrait de son permis (article 313 CT). Le nombre d’employés étrangers ne devra pas excéder les 5% du personnel d’une entreprise et 70% de la masse salarial devra être payé aux employés haïtiens (article 315 CT).
Les sanctions
L’employeur ou l’employé étranger qui n’aura pas respecte les dispositions du CT seront punis d’une amende de HTG 5,000.00 à HTG 10,000.00 prononcé par le Tribunal Spécial du Travail (TST) sur requête de la Direction du Travail (DT). En cas de récidive l’amende sera doublée.
Protection de l’emploi des citoyens haïtiens
On ne peut que constater la volonté du Législateur de protéger l’emploi des citoyens haïtiens. Depuis le décret de 1984, le gouvernement de Duvalier a jugé plus intelligent une politique protectionniste de marché de l’emploi. Le Code a rendu difficile et coûteux l’accès au permis par un étranger et l’oblige en outre à former des Haïtiens dans son domaine et ainsi mettre à la disposition de la nation les compétences manquantes. Les exceptions sont rationnelles comme pour les ambassades et les organisations internationales qui sont guidées par des accords internationaux. D’autres exceptions comme le mariage et la résidence prouvent l’élan nationaliste à la limite de la xénophobie du législateur. Si vous ne me croyez pas songer à l’Haïtien qui en se naturalisant perdait automatiquement la nationalité maternelle. En 1984 demander à un étranger de verser HTG 1,000.00 pour l’obtention d’un permis, c’était lui demander de verser USD 200.00 qui équivaut aujourd’hui approximativement à HTG 13,000.00. Condamner un patron ou un étranger pour non-respect des articles 306 à 315 du Code du Travail à une amende de HTG 5,000.00 à HTG 10,000.00 valaient USD 1,000.00 à 2,000.00 soit HTG 65,000.00 à 130,000.00. Voyez-vous la sévérité du législateur ? Tandis que pour la même époque il y avait et même aujourd’hui encore des peines de HTG 100.00 ou 300.00. Mais ce n’est pas tout, en plus de faire ressembler l’accès au permis aux douze travaux d’Hercule, le législateur limite le nombre de travailleurs étrangers à 5% du personnel local.
Respect le droit du travail et protection de l’emploi
Au moment où le Président Américain Donald Trump dans ses discours et sa politique migratoire expire un nationalisme on ne peut plus clair dans son célèbre « America first », nous disposons de loi permettant au gouvernement d’en dire autant « Haïti first » du moins dans la protection de l’emploi. Une question émerge de cette analyse : pourquoi l’État n’a jamais appliqué ces articles au profit du peuple haïtien ? Il y a trois obstacles qui sont à mon avis tous des absences : l’absence de politique publique, d’autorité de l’État et l’absence de confiance dans les compétences locales. Je ne vais pas plus loin dans cette réflexion pour ne pas m’éloigner de l’esprit de cet article. Pensez à la gouvernance du pays, aux dispositions de ce chapitre du Code du Travail qui protège ou est cessé de protéger l’employé haïtien dans un pays où le travail se cache pour mourir. Pensez au non-respect de l’égalité de salaire entre travailleur étranger et travailleur haïtien pour l’exécution de tâche similaire.
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