pexels-anna-nekrashevich-6802045

TOUT MOIS COMMENCE EST-IL REELLEMENT DU ?

Pour beaucoup d’employés croient que « tout mois commencé est dû » est un principe juridique voir une disposition légale. Étant donné que le présent article traite du droit du travail nous mettons de côté l’utilisation de ce « principe » dans toutes les transactions à caractère mensuel. Cependant, ce qui sera évoqué ici vaudra pour toutes les situations où ce « principe » sera évoqué pour justifier d’un acte juridique. Mais alors cette croyance si répandue est-elle justifiée dans le rapport employé-employeur ?

La définition du contrat de travail

Les parties au contrat de travail, à savoir l’employé et l’employeur sont liés par un contrat de travail. Rappelons que le contrat de travail n’est pas l’instrumentum mais le negotium par conséquent il n’a pas de contrat que lorsqu’on signe sur un bout de papier mais aussi par entente verbale, c’est le contrat verbal. Il n’y a pas de lien de droit de travail entre deux personnes juridiques sans contrat. Or le sens juridique du contrat de travail, comme contrat nommé, fixe les conditionnalités du rapport de travail. Nous trouvons une telle définition dans l’article 13 du code du travail qui dispose :

Le contrat de travail est toute convention par laquelle une personne s’oblige à louer ses services à une autre sous le contrôle ou la dépendance de celle-ci, moyennant une rétribution.

C’est le cas typique d’un contrat synallagmatique où le droit de l’un est l’obligation de l’autre. Le droit de l’employeur de recevoir de l’employé une location de ses services est contrebalancé par son obligation de verser une rétribution qui vient du latin retributio qui signifie récompense. Inversement au droit de l’employé de percevoir une rétribution de l’employeur s’oppose l’obligation de donner en location ses services sous le contrôle de l’employeur. Cette double condition implique que si l’un n’exécute pas ses obligations l’autre n’est pas dans l’obligation d’exercer les siennes.

Toutefois, le code du travail impose des exceptions à cette règle. Les congés payés sont des circonstances exceptionnelles où l’employé ne donne pas en location sa force de travail alors que le patron est dans l’obligation de verser un salaire, c’est le cas du congé annuel. Alors que les congés de maladie et de maternité répondent aux exigences de la règle puisque le versement des rémunérations est l’obligation des institutions de sécurité sociale. Le boni est aussi une exception en ce sens que l’employé ne travaille pas pendant treize mois.

Le travailleur journalier

Le travailleur journalier n’est pas défini dans le code du travail. Cela ne veut pas dire que le concept est juridiquement sans contenu. Le journalier n’est pas entièrement défini par le gain de salaire par jour puisque cela peut se faire aussi hebdomadairement que mensuellement. Il est celui dont la durée du travail est englobée dans la journée de travail sans que l’obligation de travailler ne s’étende au jour suivant. Un journalier peut travailler deux ou trois fois par semaine ou même moins. Ses jours de travail sont le résultat de la volonté du patron ou de ses préposés.

Gagner un salaire égal au nombre de jour de travail fourni n’est pas une caractéristique du journalier mais des conditions contractuelles telles que définies dans les paragraphes précédents. Le journalier répond aux mêmes exigences contractuelles que l’employé normal avec cette différence que ses jours de travail ne sont pas constants et dépendent de la volonté de l’employeur de le donner du travail à un jour quelconque. Le point commun est donc que le salaire journalier et le salarié normal gagnent leurs salaires selon le nombre de jours de travail fourni.

Tout mois commencé est dû

Le célèbre « tout mois commencé est dû » n’a aucun fondement juridique. Sauf si un contrat le stipule dans ses clauses. Le droit civil haïtien ne permet nullement à un débiteur d’avoir des obligations contractuelles envers un créancier pour des obligations non exécutées. C’est pourquoi le Code civil dispose en son article 933 du Code civil :

Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur.

Cependant, si les parties décident et acceptent que « tout mois commencé soit dû » dans leur contrat, ce sera donc la loi qu’elles se seraient fixée, comme le dit l’article 925 du Code civil.

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Néanmoins, nul n’est tenu à cette règle puisque les débiteurs ne sont tenus que par leurs obligations vis-à-vis de leurs créanciers. L’obligation de l’employeur de verser une rétribution est liée directement à celle de l’employé de fournir un travail. C’est le sens même des contrats synallagmatiques. Lors de la résolution de ces types de contrat tout doit être remise dans l’état où il se trouvait à la date de la conclusion du contrat, la résolution ayant un effet rétroactif. Vu que les obligations de l’un se trouvent dans les droits de l’autre, remettre tout à zéro revient au de départ du contrat. C’est un argument de plus pour justifier que le mois commencé ne saurait être dû si le créancier n’a pas profité de tous ses droits inscrits dans l’obligation du débiteur. C’est ce que l’on doit comprendre dans l’esprit de l’article 974 du Code civil.

La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

En conclusion

Le mois de travail du salarié n’est point dû par l’employeur si le premier n’a pas exécuté sa part d’obligation à savoir donner des prestations de travail. Cela ne fait pas de l’employé normal un journalier puisque ce n’est pas le salaire égal aux prestations de travail qui le définirait ainsi mais la relativité des journées de travail. En outre, le contrat de travail conditionne les deux obligations ce qui est la nature même des contrats synallagmatiques. C’est-à-dire que l’obligation de l’employeur est dans le droit du travailleur et inversement.

L’employé qui ne travaille pas ne gagne pas le salaire de ce jour sauf si la loi en dispose autrement comme dans le congé annuel et le boni. Travailler uniquement pendant une quinzaine dans un mois donne droit à un salaire d’une quinzaine. Même le boni sera affecté puisque le code du travail dispose en son article 157 qu’il faut payer le boni en fonction du nombre de mois de travail fourni au cours de l’année.

Le salaire complémentaire ou boni de tout nouveau salarié sera calculé en fonction du nombre de mois de service fournis au cours de l’année.

Dans une décision de justice la Cour de cassation, par son arrêt en date du 26 juillet 1988 dans sa deuxième section, clos le débat avec un principe : nul ne peut être rémunéré pour des services qu’il n’a pas fournis (Nemo remunerari potest pro meritis quae non providerit). L’employé ne peut gagner que le salaire proportionnel à son travail. Le mois n’est pas dû par le simple fait de commencer, il l’est parce que l’employé a fourni un mois de travail (prenant en compte les jours de repos hebdomadaire)

Attendu que révoqué de l’établissement au début de l’année scolaire 86-87, il ne saurait réclamer le paiement des neuf mois de la dite année académique en vertu du principe que nul ne peut être rémunéré pour des services qu’il n’a pas fournis.

Arrêt du 26 juillet 1988, 2eme section,Wilson Béliot Jacquet contre Jean Mary Vaval

Partagez cet article

Scroll to Top
×