LA QUESTION JURIDIQUE DES PRÊTS DE L’ONA

LA QUESTION JURIDIQUE DES PRÊTS DE L’ONA

L’ONA est un organisme autonome dont la mission consiste à protéger les travailleurs assurés et les assurés volontaires de la misère qui pend sur leur tête dès qu’ils ne serviront plus le système capitaliste. Les vieux et les invalides n’ont soit plus de force de travail à vendre soit plus les moyens biologiques de les offrir.

La quasi-impossibilité d’avoir un prêt

De tous les maux que connaissent les Haïtiens, on peut compter ce sentiment d’injustice sociale qu’éprouvent les travailleurs assurés de l’ONA. Ils constatent impuissant à la quasi-impossibilité d’avoir un prêt alors qu’ils cotisent depuis si longtemps. Pour eux l’ONA n’est pas une institution faite pour eux mais pour conserver la richesse des riches et mettre au monde celles des politiciens. Des listes et des chiffres s’engouffrent dans la toile des réseaux sociaux augmentant davantage la frustration et le dégoût. Sont-ils vrais ? Les noms qui s’y trouvent correspondent-ils aux faits ? Nous n’en savons rien. Pour éviter le complotisme qui semble de plus en plus devenir un sport national nos questionnements s’arrêtent là. La raison doit prendre le pas sur le sophisme et les réalités tordu dans le sens de nos intérêts ou de nos frustrations. Que pouvons-nous savoir pour répéter Kant dans ce contexte ? Qu’avons-nous d’objectif à notre disposition ? La Loi.

Les événements entourant les prêts de l’ONA

Plongeons dans les méandres du droit de la Sécurité Sociale haïtienne pour un début de compréhension des évènements entourant les prêts de l’ONA. A défaut de nous révéler la technicité, l’administration et la corruption gouvernant cette injustice sociale, à défaut de comprendre le SYSTÈME, nous pourrons tout de même mettre le doigt sur leur illégalité. Nous sommes d’accord que la loi ne fait pas la morale sociale mais tant qu’elle n’est pas accusée d’injustice elle peut donner le pouls de la misère faite aux travailleurs qui peinent à trainer le quotidien entre un salaire minimum au minimum de la survie et un salaire décent inatteignable tant l’inflation et le taux de change le pousse encore plus loin de la bourse de ces derniers.

Légalité des prêts de l’ONA

Les prêts de l’ONA tirent leur légalité d’assemblage de quatre lois et décrets :La Loi du 28 août 1967 organisant le Département des Affaires Sociales ;La Loi du 25 août 1971 créant au sein de l’ONA un Comptoir d’Epargne et de Prêt ;Le Décret du 4 novembre 1974 créant au sein de l’ONA le service de prêt hypothécaire ;Le Décret du 16 décembre 1979 abrogeant quelques articles du Décret du 4 novembre 1974.

Mission de l’ONA en bref

L’ONA est un organisme autonome dont la mission consiste à protéger les travailleurs assurés et les assurés volontaires de la misère qui pend sur leur tête dès qu’ils ne serviront plus le système capitaliste. Les vieux et les invalides n’ont soit plus de force de travail à vendre soit plus les moyens biologiques de les offrir. Ils deviennent alors de simple et répugnant déchets dont le capitalisme ne veut surtout pas se mêler les machines à production. Dans un élan de sociale démocratie où l’on jongle avec le capitalisme pour lui donner un visage plus humain la protection sociale est inventée et avec elle la sécurité sociale pour les travailleurs qui aux yeux du capitalisme n’est qu’une force productive. Quatre ans après la mise en application de la loi du 28 août 1967 organisant Ministère des Affaires Sociales et du Travail (et en même temps l’ONA), le législateur a créé les services de prêts à concéder aux assurés à travers trois dispositions légales.

Les considérants de la législation des prêts de l’ONA

Les motifs qui soutiennent ces normes juridiques sont des plus sociales et s’inscrivent dans la logique d’une justice sociale. D’abord, l’obligation de l’Etat de prendre des mesures nécessaires en vue d’assurer le bien-être économique et social des citoyens. On pourrait élaborer toute une philosophie du bien-être mais pour les besoins de notre démarche nous nous arrêterons son sens commun de situation agréable et commode du corps ou de l’esprit. Il est déterminé par deux variables l’économique et le social. Ensuite, mettre à la disposition des travailleurs des crédits visant à leur venir en aide et assurer leur plein épanouissement en prenant des mesures adéquates. Puis, d’accorder des facilités aux travailleurs en vue de leur permettre de posséder leurs propres maisons d’habitation. L’ONA doit donc les aider à acquérir ses biens immeubles susceptibles d’améliorer leurs conditions de vie et assurer leur retraite. Enfin, une prise en compte ponctuelle de la cherté de la vie de l’époque (les années 70) et de diminuer le taux d’intérêts des prêts. Ainsi résumons-nous les considérants des différentes normes juridiques réglementant les prêts accordés essentiellement aux travailleurs.

Les services de prêt de l’ONA

Au cours des années 70 le législateur haïtien a créé deux services au sein de l’ONA pour accorder des prêts aux travailleurs, ceux sont : Le Comptoir d’Epargne et de Prêt créé par la loi du 25 août 1971 et le Service de Prêt Hypothécaire créé par le Décret du 4 novembre 1974.

Le Comptoir d’Epargne et de Prêt

Le Comptoir d’Epargne et de Prêt a deux missions celle de stimuler le goût de l’Epargne chez les travailleurs et celle de leurs octroyer des prêts couverts par des garanties suffisantes. Comme toute bonne institution financière l’ONA exige des garanties pour concéder un prêt. Il est octroyé relativement aux capacités de remboursement de l’emprunteur, soit son degré de solvabilité. Les prêts sont consentis que pour les travailleurs qu’ils soient assurés ou non. Les travailleurs non assurés à l’ONA n’ont droit qu’à 50% du montant des garanties offertes. Les travailleurs assurés quant à eux ont doit qu’au tiers de leurs cotisations. S’ils désirent un prêt plus conséquent, ils devront garantir l’excédent. Arrêtons-nous une seconde pour faire les comptes. Pour qu’un « travailleur non assuré » emprunte deux cent million de gourde (HTG 200,000,000.00) il faut qu’il le garantisse de quatre cent million de gourdes (HTG 400,000,000.00). Pour qu’un « travailleur assuré » emprunte deux cent million de gourde (HTG 200,000,000.00) il faut qu’il ait versé une cotisation de six cent million de gourdes (HTG 600,000,000.00). Sans oublier que pour tout excédent il devra aussi le garantir. Outre les moyens normaux de remboursement, l’ONA peut soustraire sa créance des cotisations de l’assuré en cas de remboursement de celles-ci. Prévu par les articles 189 et 190 de la loi du 28 août 1967 organisant le MAST, le remboursement des cotisations se fait dans deux cas : a) lorsque l’assuré atteint l’âge de 55 ans et reconnu inapte au travail n’a cotisé que durant une période inférieure à dix ans ; b) en cas de décès de l’assuré qui n’a cotisé que durant la même période.

Modalités de fonctionnement

Les modalités de fonctionnement du Comptoir d’Epargne et de Prêt seront déterminées par la loi, stipule l’article 9 de la loi du 25 août 1971 créant au sein de l’ONA un Comptoir d’Epargne et de Prêt. Par conséquent, la circulaire du 23 février 2018 devenu effectif le 1er mars 2018 publié par la Direction Générale de l’ONA est illégale.

Le Service de Prêt Hypothécaire

Le Service de Prêt Hypothécaire a pour tâche principale de faciliter aux travailleurs assurés l’acquisition leurs propres maisons d’habitation. Pour profiter de ce service il faut : a) être assuré à l’ONA ; b) détenir le cinquième du prix de l’immeuble convoité ou du prix du devis pour sa construction ; c) obtenir l’accord que son employeur effectuera des retenues sur le salaire de l’employé au profit de l’ONA. L’article 6 du Décret du 4 novembre 1974 créant au sein de l’ONA le service de prêt hypothécaire limitait le prêt à vingt-cinq mille gourdes (HTG 25,000.00). Ce plafond a été modifié par le Décret du 16 décembre 1979 abrogeant quelques articles du Décret du 4 novembre 1974 l’augmentant de cinquante mille gourdes (HTG 50,000.00). Suivant le même raisonnement l’échéance de remboursement était de soixante mois à compter de la date du prêt. Il a été revu à la hausse et fixé à cent mois. Le taux d’intérêt qui était à 12% en 1974 est passé à 8% en 1979. Outre le fait que l’immeuble garantissant le prêt hypothécaire devra être couvert par une police d’assurance contre incendie, le travailleur déjà propriétaire d’une maison d’habitation ne pourra pas faire une demande de prêt de ce type. L’esprit du décret étant de faciliter aux employés qui ne sont pas propriétaire de le devenir enfin.

Les placements de l’ONA

L’article 205 Loi du 28 août 1967 organisant le Ministère des Affaires Sociales et du Travail stipule exactement ce qui doit être fait avec les fonds de l’ONA. Ils seront affectés : a) aux frais généraux de l’Administration qui ne pourront jamais dépasser 10% des recettes perçues annuellement ; b) au paiement des pensions ; c) à des prêts aux assurés ; b) à des placements rentables en Haïti. D’après cet article les « prêts » de plusieurs millions de gourdes sur plus de cinq cent mois sont soit illégaux, soit ne sont pas des prêts mais des placements. L’article 207 de la même loi stipule que les placements devront être rentables et sécuritaires. Le Dr Réginald Boulos affirme dans tous les médias où on lui pose les questions relatives aux prêts de l’ONA que ce sont des prêts rentables pour l’ONA. Mais nous avons montré que les prêts ne sont accordés qu’aux employés et assurés. Alors soit le Dr Boulos est un employé ou un assuré soit ce dont il parle est un placement. Pour ce qui est de sa rentabilité seuls les données de l’Office peut nous en convaincre. Bien que les placements effectués suivent les plans de la Direction et le Conseil d’Administration, ils ont quand même besoin de l’approbation du Ministre des affaires sociales et du travail (article 207 2e alinéa). 

De la liberté de juger

A défaut de nouvelles législations, nous avons fait le tour juridique de la question des prêts de l’ONA. A vous maintenant de juger de la violation que la vérité de ces allégations engendre contre la justice sociale. Les vrais combats se gagnent dans la vérité et la promotion d’une nouvelle éthique sociale. 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  • SALES Jean-Frédéric, Code du travail de la République d’Haïti, Presse de l’Université Quisqueya, Port-au-Prince, 1992, p 398. 
  • LATORTUE François, Le droit du travail haïtien, Editions des Antilles, Port-au-Prince, 2008, p 505.
  • BABEL Maryse, Droit de la sécurité sociale, ellipses, Paris, 2006, p 211.
  • CORNU Gerard, Vocabulaire juridique, PUF, 12e ed. Paris, 2018, p 1103. 
  • DEKENS Olivier, Apprendre a philosopher avec Marx, ellipses, Paris, 2013, p 173.
  • ZARADER Jean-Pierre, Les grands notions de la philosophie, ellipses, Paris, 2015, p 1100.

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L’ONA est un organisme autonome dont la mission consiste à protéger les travailleurs assurés et les assurés volontaires de la misère qui pend sur leur tête dès qu’ils ne serviront plus le système capitaliste. Les vieux et les invalides n’ont soit plus de force de travail à vendre soit plus les moyens biologiques de les offrir.
L’ONA est un organisme autonome dont la mission consiste à protéger les travailleurs assurés et les assurés volontaires de la misère qui pend sur leur tête dès qu’ils ne serviront plus le système capitaliste. Les vieux et les invalides n’ont soit plus de force de travail à vendre soit plus les moyens biologiques de les offrir.
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