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AUX RACINES DU DROIT DU TRAVAIL A TRAVERS LES TERMES EMPLOI ET EMPLOYE

On utilise tous les jours les mots « emploi » et « employé », parfois sans même y penser. Mais d’où viennent-ils réellement ? En remontant à leur origine, on comprend mieux leur sens actuel en droit du travail.

D’abord, un peu d’histoire…

Les termes « emploi » et « employé » viennent du verbe français « employer », lui-même issu du latin « implicare ». À l’origine, ce mot signifie « plier dans », « mêler à » ou « inclure ». Progressivement, l’idée d’inclure évolue vers celle d’utiliser, d’avoir recours à quelqu’un ou quelque chose. « Emploi » apparaît au XIIIe siècle en français pour exprimer l’idée d’usage. Dès le XVIIe siècle, il prend le sens moderne de poste ou fonction. Ainsi, « avoir un emploi », dès cette époque, signifie occuper une fonction précise au service d’un autre. Quant à « employé », au XVIIIe siècle, il devient officiellement un nom commun pour désigner quelqu’un qui est « utilisé » par une autre personne dans une activité professionnelle. On voit déjà poindre ici la notion essentielle de mise au service d’autrui, fondatrice du droit du travail actuel.

De l’étymologie au contrat de travail : une logique toujours présente

En droit du travail aujourd’hui, lorsqu’on parle de contrat de travail, on décrit exactement cette idée ancienne : un salarié est une personne mise au service d’un employeur contre une rémunération. Le salarié est littéralement « employé », utilisé dans le cadre d’une activité professionnelle. Cette relation repose juridiquement sur ce qu’on appelle le « lien de subordination », une notion centrale du droit du travail. Selon la Cour de cassation (Arrêt du 18 juillet 1977, 2ème section. Gesner MYRTHIL et consorts contre Yves CHÉRY), ce lien de subordination implique que le salarié exécute son travail sous l’autorité de l’employeur, qui a le pouvoir de donner des instructions, de contrôler leur exécution et de sanctionner d’éventuels manquements.

Pour autant, le droit du travail encadre strictement ce lien de subordination afin de protéger l’employé. L’employeur ne peut pas simplement « utiliser » librement un salarié. Il a des obligations claires : verser un salaire, respecter la durée légale du travail, assurer la sécurité et la dignité de son personnel. En échange, le salarié accepte de suivre les directives de l’employeur, mais bénéficie de nombreuses protections : salaire minimum, conditions de travail réglementées, congés payés, protection contre les licenciements abusifs… C’est un équilibre subtil entre usage et protection.

Pourquoi le mot « emploi » pose-t-il parfois problème aujourd’hui ?

Aujourd’hui, le mot « emploi » recouvre plusieurs réalités, ce qui provoque parfois des ambiguïtés. Au niveau individuel, avoir un emploi signifie simplement avoir un travail rémunéré. Au niveau macroéconomique, « emploi » fait référence à des statistiques (taux d’emploi, création d’emplois), parfois très éloignées des réalités concrètes des travailleurs. Cette pluralité entraîne des confusions : par exemple, lorsqu’on dit « créer de l’emploi », il ne suffit pas de créer des postes précaires ou très partiels. L’emploi véritable implique une stabilité, une dignité, un respect des droits fondamentaux des salariés. Ces nuances sont déterminantes pour comprendre les débats politiques actuels, entre flexibilité et protection sociale.

En droit du travail, ces ambiguïtés sont aussi au cœur de litiges fréquents. Par exemple, lorsqu’un employeur modifie le contenu d’un emploi, il doit faire attention : changer radicalement les missions d’un salarié peut constituer une modification du contrat, nécessitant l’accord explicite du salarié.

Du salarié au collaborateur : les mots changent, mais les réalités restent

De nos jours, beaucoup d’entreprises préfèrent parler de leurs salariés comme de « collaborateurs ». Derrière ce choix de langage, il y a l’idée de coopération, d’implication personnelle plus forte dans l’entreprise. Mais attention : changer les mots ne modifie pas nécessairement la réalité juridique. Même appelé « collaborateur », un salarié reste juridiquement une personne subordonnée à l’employeur, protégée par le droit du travail. Ces évolutions terminologiques (on parle aussi d’« associé », de « talent », etc.) montrent surtout que notre manière de penser le travail évolue constamment. Toutefois, le droit du travail demeure un garde-fou nécessaire pour préserver l’équilibre entre le pouvoir de l’employeur et les droits essentiels du salarié.

Pourquoi revenir aux origines ?

En revenant à l’origine des mots « emploi » et « employé », on comprend mieux les réalités juridiques et sociales d’aujourd’hui. On voit clairement que le droit du travail, loin d’être figé, évolue en permanence tout en restant fidèle à sa mission initiale : assurer la dignité de ceux qui travaillent sous l’autorité d’un autre. Gardons toujours un œil attentif aux mots, car ils révèlent bien plus que leur simple définition.

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