DICTIONNAIRE DE DROIT DU TRAVAIL

Me Philippe Junior Volmar, Avocat au Barreau de Port-au-Prince, Enseignant en droit social, Coordonnateur de l’Unité Juridique à l’OFATMA, Enseignant de droit du travail à l’École du Barreau de l’Ordre des Avocats de Port-au-Prince
Accident de travail

Définition de Accident de travail

Accident survenu par le fait et à l’occasion du travail à toute personne travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs. La survenance d’un fait accidentel en relation avec le travail ayant provoqué une lésion.

Evènement de caractère soudain survenu par le fait ou à l’occasion du travail à un salarié d’une entreprise qui lui cause un dommage corporel.

Désigne toute lésion corporelle survenue par le fait ou à l’occasion du travail.

Réf. Art. 22 LAS 28 août 1967 / Art. 411, 437, 453 CT

Doctrines

REGIME JUDIRIQUE DES ACCIDENTS DE TRAVAIL

L’accident de travail est d’une telle complexité que l’on peine à répondre à tous les cas particuliers qui peuvent se présenter. Nous ne nous permettrons pas ici la prétention de pouvoir cerner cette complexité, toutefois, nous voulons poser les bases de ce concept juridique clef du droit de la sécurité sociale. Le législateur n’a pas complètement défini le concept d’accident du travail ni dans la loi du 28 août 1967 ni dans décret du 18 février 1975, laissant ainsi une liberté à la jurisprudence de délimiter ses contours. Cependant, la Cour a suivi le législateur en s’abstenant de définir l’accident du travail (sous réserve de nos recherches). Néanmoins, on peut trouver certaines tentatives hésitantes de définitions que nous verrons plus loin.

Le concept d’accident de travail

Selon l’article 22 alinéa c de la loi du 28 août 1967, l’expression accident du travail désigne toute lésion corporelle survenue par le fait ou à l’occasion du travail.

L’accident du travail est un événement soudain survenu par le fait ou à l’occasion du travail à un salarié d’une entreprise qui lui cause un dommage physique (lésion). Sous réserve que soient établies les circonstances matérielles de l’accident.

Dans la jurisprudence haïtienne on trouve quelques bribes de définition comme :

« … tout accident survenu aux travailleurs pendant le trajet de la résidence au lieu de travail et vice-versa, est réputé comme s’étant produit à l’occasion du travail » (Arrêt du 7 novembre 1963 2ème section Sedren S.A. contre Oxius Dormeus) ;

« Que donc, l’accident survenu in itinere et à l’occasion de l’emploi, tombe dans le champ de la responsabilité de l’employeur comme découlant, à défaut de faute, des risques professionnels de son entreprise … » (Arrêt du 28 Avril 1966, 2ème section, Compagnie Sucrière Cubano-Haïtienne S.A. contre Gracieuse St. Vallières).

Dans la convention C012 sur la réparation des accidents du travail (agriculture), on trouve ce même silence mais on peut extirper une infime définition dans l’article 1er :

« Tout membre de l’Organisation internationale du Travail ratifiant la présente convention s’engage à étendre à tous les salariés agricoles le bénéfice des lois et règlements ayant pour objet d’indemniser les victimes d’accidents survenus par le fait du travail ou à l’occasion du travail. »

…un événement soudain

Il ne faut pas confondre l’instantanéité et la soudaineté de l’événement. L’instant étant inaccessible au droit pour avoir une existence trop éphémère. L’instant est une frontière entre le futur et le passé. Au moment où l’instant est pris en compte, il se perd déjà dans le passé. Pour donner un ordre d’idées : une seconde correspond à cent centièmes de seconde (100/100). On peut donc rendre l’instant aussi éphémère que l’on divise le temps. Le cerveau humain ne peut imaginer un événement se produisant dans l’ordre de la picoseconde soit égal à un millième de milliardième de seconde (0,000 000 000 000 000 1 de seconde). Même à cette échelle l’instant est encore infiniment petit pour mieux dire : sans unité de mesure ou limité par l’échelle de Planck.

Pour cela, l’événement de l’accident de travail doit être soudain, c’est-à-dire dans un laps de temps perceptible par la conscience humaine. Une jambe cassée sur les lieux du travail correspond à un événement soudain vu la brièveté de la fissure osseuse. La soudaineté exclut toute lésion qui se produit pendant un temps plus ou moins long. Une lésion causée par un geste répétitif n’est pas un accident de travail de même une action prolongée dans le temps. Cependant, une maladie survenue après une piqûre d’insecte ou celle d’une seringue, une jambe cassée sont constitutifs de l’accident. Une maladie préexistante peut être considérée comme un accident de travail dès lors qu’elle se manifeste à partir d’un acte soudain comme un effort brusque, par exemple un arrêt cardiaque.

… par le faire ou à l’occasion du travail

L’accident du travail est circonscrit dans l’espace et dans le temps du travail. Il est aussi déterminé par sa relation au travail. Tout accident qui se produit par et à cause du travail peut-être un accident du travail. De même que tout accident qui se produit dans l’espace de travail. Il faut aussi souligner que l’accident en plus de son aspect spatio-temporel lié au travail est aussi relié au contrôle de l’employeur sur son employé. Ce qui implique que tout accident survenu pendant que l’employé est sous la subordination (contrôle) de son patron est considérée comme un accident de travail. Ce rapprochement entre l’espace-temps du travail et le contrôle de l’employeur est justifié par le fait que ce dernier se limite au premier nonobstant les cas d’exception. Il faut comprendre, que le droit du travail et le droit de la sécurité sociale sont tous deux liés par le concept de subordination. Pour l’un il détermine le contrat de travail pour l’autre il justifie du contenu de l’accident du travail comme concept juridique.

Le lieu de travail

Le lieu de travail est déterminé dans un premier temps par l’espace physique d’exécution du contrat de travail : les machines de production, la cour de l’entreprise, le bureau de l’employé, etc. Il faut souligner que le lieu du travail peut se situer hors de l’espace physique de l’entreprise, c’est le cas par exemple, du technicien qui travaille à la réparation ou la maintenance de l’appareil acheté par un client de l’entreprise chez lui ou à son bureau.

Le temps de travail

Le temps de travail est déterminé par la durée normale de travail et les heures supplémentaires. Ils constituent cette période où l’employé est sous la subordination de son employeur. Employé victime d’accident pendant les heures de pause (repos intercalaire) est des accidents de travail.

Le travailleur qui quitte l’espace de travail pour des raisons personnelles ne bénéficie pas de la protection de sécurité sociale pour tout accident survenu pendant cette période. Inversement tout travailleur qui quitte l’espace de travail pour des raisons professionnelles sont couverts par l’assurance accident de travail. La suspension temporaire de contrat de travail suspend la couverture en suspendant la subordination. C’est aussi le cas des congés et jour fériés qui supprime provisoirement la subordination.

…cause un dommage

La cause du dommage peut être interne ou externe à l’ouvrier. Elle est externe lorsqu’elle survient en dehors de son corps : un marteau qui lui fracasse le crâne, un rouleau compresseur qui lui écrase un bras. Elle est interne lorsqu’elle se produire à l’intérieur de son corps comme un mouvement brusque, un effort physique intense ou encore un faux mouvement.

Ne sont pas considérés comme accident du travail

Les accidents survenus à un travailleur qui se trouve en état d’ivresse. Les accidents que la victime a provoqués intentionnellement. L’intention est importante pour définir l’accident de travail. L’employé ne peut manifester la volonté d’être une victime d’accident du travail. Toute volonté de la sorte fait disparaître le concept encore que l’accident ait lieu dans l’entreprise et sous subordination de l’employeur. Les accidents résultant d’un délit punissable, une tentative de suicide ou un risque à laquelle la victime aurait participé volontairement. Dans les paragraphes précédents, nous avons dit que le législateur n’avait pas défini le concept d’accident de travail, néanmoins dans l’article 30 de la loi du 28 août 1967 il explique ce qu’il n’est pas à travers ce que nous venons de voir.

Absence de lien avec le travail

Tous les accidents survenant hors des lieux du travail et hors de la subordination n’ont aucun lien avec le travail. C’est le cas de l’employé qui quitte son bureau pendant les heures de travail pour raisons personnelles avec ou sans autorisation. C’est aussi le cas de l’employé qui rend visite à ses collègues de travail alors qu’il est en congé.

 

SI JE ME FAIS KIDNAPPER APRE LE TRAVAIL EST-CE UN ACCIDENT DE TRAVAIL ?

Le kidnapping est une infraction complexe constituée de trois éléments : l’enlèvement ; la séquestration et la demande de rançon. La capitale et quelques villes de province sont à genoux à cause du kidnapping. Beaucoup d’employé sont victimes de cas d’enlèvement en laissant leur travail. Ce qui pousse certains employés à se demander si ces évènements ne seraient pas des cas d’accident de travail.

C’est quoi l’accident de travail

Selon l’article 22 loi sur l’assurance sociale, l’expression « Accident du Travail » désigne toute lésion corporelle survenue par le fait ou à l’occasion du travail. Est également considéré comme accident du travail, l’accident survenu aux travailleurs pendant le trajet de la résidence au lieu de travail et vice-versa, dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné par un motif dicté par l’intérêt personnel ou indépendant de leur emploi.

La lésion

Sans lésion il n’y a pas d’accident de travail. C’est une condition nécessaire. La lésion doit être corporelle. Selon le site passeport santé, les différents types de lésions corporelles sont les suivantes : Abrasion quand la peau est écorchée et il y a une perte de sang mineure ; Contusion quand la peau change de couleur. Il s’agit souvent du résultat d’un coup reçu à l’endroit où est ressentie la douleur ; Incision est une entaille peu profonde provoquée par un objet coupant ; Perforation quand la blessure est profonde et elle est provoquée par un objet tranchant et pointu ; Avulsion quand il s’agit d’un morceau de peau qui est relevé mais pas complètement détaché ; Lacération quand c’est une incision profonde dont le découpage n’est pas net (les bords de la blessure sont souvent effilochés) ; Amputation quand un membre est complètement détaché (coupé ou arraché) du corps.

L’accident

L’accident de travail est aussi caractérisé par sa soudaineté et son imprévisibilité. Il ne peut donc se produire au fil du temps ce qui est plutôt le cas des maladies professionnelles qui n’est pas le sujet de cet article. Il ne peut aussi être anticipé du moins avec peu de probabilité.

Accident de travail et le travail

L’accident doit se produire durant le travail ou sur le chemin du travail en allant ou en y revenant. L’accident doit se produire sur les lieux du travail mais plus précisément pendant tout le temps où l’employé est sous subordination, sous l’autorité de l’employeur. Cependant, les accidents de travail (dit accident de trajet) qui se produisent en se rendant au travail ou en rentrant chez soi sont des exceptions à la subordination que le législateur a prise en compte. L’esprit est le suivant : si l’employé prend le chemin du travail c’est parce qu’il travaille pour le compte de l’employeur.

Le kidnapping un accident de travail ?

Si le kidnapping d’un employé en particulier est imprévisible, il n’est pas soudain. Il faut comprendre dans la soudaineté le fait que l’action début et s’achève dans un temps très bref. Alors que le kidnapping étant un composant d’infraction perdure dans le temps. Ce qui peut-être considère comme soudain n’est que l’enlèvement alors que la séquestration peut durer des jours voire des semaines. En outre, il n’y a pas lésion produite par la soudaineté de l’action. Le kidnapping ne répond pas aux caractéristiques même basiques de l’accident de travail.

Une affaire de sécurité de l’emploi

Si la question de catégoriser le kidnapping comme accident de travail se pose c’est en grande partie parce que l’employé cherche une indemnité de la part du patron susceptible de l’aider à verser la rançon. Cependant, quand un accident de travail nécessite une indemnité, elle ne relève pas de l’employeur mais de l’Office d’Assurance Accident du Travail, de Maladie et de Maternité (OFATMA). Et elle ne s’implique que dans des cas précis liés à la nature de l’accident de travail : celui qui répond aux caractéristiques légales comme décrit plus haut. L’employé veut aussi s’assurer qu’il ne sera pas révoqué pendant ou après sa captivité. Mais c’est un autre sujet.

Kidnapping et silence de la loi

Cette question cherche aussi une solution pour l’employée victime pour ne pas perdre l’emploi qui constituerait une double peine. Mais la législation du travail est silencieuse sur la question. Le kidnapping ne pouvant être ni un accident de travail ni une maladie ne déclenchera pas le congé maladie ou la suspension temporaire de contrat de travail. Cela se comprend très bien quand nous savons que la loi sur l’assurance sociale et le code du travail sont antérieurs de plusieurs dizaines d’années au phénomène de kidnapping qui a pris naissance aux environs de l’année 2004. Le législateur n’a donc pas prévu de disposition d’ordre public contraignant l’employeur à conserver le poste de l’employé pendant toute la durée de la séquestration.

Kidnapping et suspension temporaire de contrat de travail

Néanmoins, la suspension temporaire contraignant l’employeur à conserver le poste de l’employé qui est emprisonné pendant moins d’un mois ressemble un peu à la séquestration. Si la ressemblance se rencontre dans le fait pour l’employé de ne pas être libre de ses mouvements, ils se distinguent dans les conditions de perte de liberté de mouvement. Dans un premier c’est la justice qui prononce une sentence privative de liberté ou des mesures conservatoires gardant le concerné à vue ; dans le second, c’est un crime commis par des kidnappeurs en préjudice de l’employé. Si dans le premier l’employé est en cause dans le second il est plutôt une victime. De tels arguments, ajouté au fait de pouvoir au regard de l’employé catégoriser le kidnapping comme un cas de force majeure (car irrésistible), pourraient se soutenir devant la juridiction de travail.

Un résultat hasardeux

Une issue heureuse à un tel procès est hasardeuse faute de législation. Sa réussite pour l’employé nécessite la pitié du juge ou celle de l’employeur. Nous sentons tous l’immoralité et le cynisme de l’employeur qui résilie unilatéralement le contrat de travail d’une employée victime de kidnapping. Mais son acte ne serait pas pour autant illégal. Nonobstant que dans la réalité des faits l’employeur conserve le poste de l’employée-victime mais par compassion.

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