LES JOURS DE REPOS HEBDOMADAIRES ET FÉRIÉS SONT-ILS TOUJOURS PAYÉS ?

LES JOURS DE REPOS HEBDOMADAIRES ET FÉRIÉS SONT-ILS TOUJOURS PAYÉS ?

La plupart des employés sont habitués à l’idée que le dimanche, les entreprises dans lesquelles ils travaillent, ferment leurs portes. C’est le jour où ils se reposent avec leurs familles après l’église du dimanche. Cette normalité (sauf pour quelques employés) est une disposition légale inscrite dans le chapitre en question, le titre est déjà assez explicite.

REPOS HEBDOMADAIRES ET FÉRIÉS

La publication de la loi 3-8 suscite de vifs débats depuis le 21 septembre 2017 dont l’un d’eux tourne autour des jours de repos et fériés payés prescrits dans le titre II du chapitre 3 Du repos hebdomadaire et des jours fériés qui s’étale des articles 107 à 119 du Code du Travail (CT). Avant de vous exposer la question principale de ce débat, voyons en résumé de quoi parle ce chapitre. La plupart des employés sont habitués à l’idée que le dimanche, les entreprises dans lesquelles ils travaillent, ferment leurs portes. C’est le jour où ils se reposent avec leurs familles après l’église du dimanche. Cette normalité (sauf pour quelques employés) est une disposition légale inscrite dans le chapitre en question, le titre est déjà assez explicite. Les articles 107 à 119 du CT obligent les entreprises à stopper leurs activités le dimanche et donc renvoyer tous les employés chez eux pour une durée de 24 heures. Il y a quand même des exceptions, comme bien souvent dans le droit, pour les entreprises qui sont obligées de fonctionner le dimanche (hôtel, hôpital) ou pour ne pas mettre l’entreprise en péril sont forcées de mobiliser les employés un dimanche exceptionnellement. Des jours de repos compensatoires sont prévus dans ces cas d’exception et dans certains cas (les employés saisonniers), ces jours de repos perdus peuvent être récupérés en allongeant le congé annuel. Les jours fériés sont fixés et ce sont les fêtes légales, le mardi-gras par exemple. Pour la rémunération, le jour de repos hebdomadaire ou férié est payé c’est-à-dire que le paiement de salaire ne diminue pas. Lorsque l’employé travail un jour de repos, il gagne une majoration de 50% de son salaire du jour.

La loi 3-8 publiée le 21 septembre 2017, dans sa vague d’abrogation, a éliminé deux articles dans le chapitre 3 sur le repos hebdomadaire et des jours fériés du CT : les articles 107 et 108. Mais ce n’est pas la première fois que le législateur s’attaque à ce chapitre, ce fut le cas avec le décret du 7 novembre 1985 qui abrogeât les articles 109, 110 et 111. Ces articles posaient la différence entre les deux types de jours fériés : les jours fériés chômés et non chômés (109) ; listaient les jours fériés chômés dont le 22 juin, jour de la Présidence à vie ou le 5 décembre anniversaire de la découverte d’Haïti (110) ainsi que les jours fériés non chômés dont on peut citer : le 14 avril, jour des Amériques et le 24 octobre ou le jour des Nations Unies (111). L’article 107 abrogé par la loi des 3-8 disposait qu’après 6 jours de travail consécutif, les employés avaient droit à un repos hebdomadaire payé de 24 heures. Ce repos était accordé de préférence le dimanche où toutes les activités de la grande majorité des entreprises devaient cesser jusqu’à lundi. L’article 108 quant à lui se fondant sur le précédent, interdisait ces bénéfices aux employés dont le travail avait un caractère provisoire (travail dont la vie de l’entreprise ne dépend pas). Depuis le 21 septembre de l’année dernière, ces deux articles ont rejoint les 3 premiers de 1985 dans le royaume des articles abrogés. Un article abrogé n’existe plus légalement, pareil pour ces dispositions dont les bénéfices de l’article 107. On devrait facilement conclure qu’en outre, le dimanche n’est plus le jour préférentiel de repos mais aussi que les jours fériés et les jours de repos hebdomadaires ne sont plus payés.

L’article 112 entre alors en scène. Cet article qui a survécu au « génocide », comme les articles 113 à 119, divise les juristes, les patrons et employés sur le fait que les jours fériés et de repos soient payés ou non en disposant ce qui suit :

Le travailleur dont l’emploi a un caractère permanent, a droit au bénéfice des prescriptions concernant le repos hebdomadaire, les jours fériés chômés et les chômages autorisés par Arrêté Présidentiel sans diminution de salaire.

Article 112 Code du Travail

Deux parties de cet article attire l’attention : « …a droit au bénéfice des prescriptions concernant le repos hebdomadaire, les jours fériés chômés et les chômages… » et « …sans diminution de salaire. ». Certains pensent que cet article confirme que le repos hebdomadaire et jours fériés sont encore payés, d’autres soutiennent le contraire. Le débat gravite alors autour de cette question : les jours de repos hebdomadaire et fériés sont-ils payés ou non ?

Ceux qui soutiennent l’idée que l’article 112 maintient le paiement des jours de repos se basent sur les arguments suivants : d’abord, l’article stipule que l’employé à droit au bénéfice de se reposer le dimanche ; ensuite, qu’il interdit la diminution de salaire de l’employé dans ces conditions, puis qu’on ne peut ravir les droits acquis de l’employé et enfin la non-rétroactivité de la loi. Nous allons voir ensemble pourquoi ces arguments ne peuvent tenir.

L’employé a droit au bénéfice de se reposer le dimanche

Lorsque l’article 112 stipule que l’employé à « droit au bénéfice des prescriptions concernant le repos hebdomadaire, les jours fériés chômés et les chômages… », il parle de quel bénéfice ? Pour le savoir, il faudrait se référer à l’article 107 qui n’existe plus dans le CT depuis la publication de la loi 3-8, le 21 septembre 2017. Si on avance que ce bénéfice n’est autre que des jours de repos payés alors où est-ce qu’on peut le vérifier ? Car la réponse apparemment facile de dire les jours de repos et fériés payés n’est que le résultat de la mémoire que nous gardons encore de l’article 107 qui faisait partie du CT, il y a encore quelques mois. Si nous posons cette même question à un juriste en l’an 2068, il ne saura quoi répondre car il n’aura pas le souvenir de cet article dans un CT mis à jour. L’article 112 parle d’un bénéfice qui fut jadis dans le Code mais qui n’y est plus. De même on ne pose plus la différence entre les jours fériés chômés et non chômés de l’article 109 car éliminé du Code en 1985. Sûrement certains faisaient encore cette différence les années suivant la publication du décret ayant abrogé l’article 109 mais nous ne commettons plus cette erreur 32 ans plus tard car le Code a été mis à jour et nous n’avons plus connaissance de cet article.

Interdit la diminution de salaire de l’employé

De quelle diminution de salaire parle-t-on ? Reformulons, c’est quoi le salaire ? Selon le lexique des termes juridiques de la 19e édition de Dalloz, le salaire est une prestation versée par l’employeur au salarié en contrepartie de sa mise à disposition pour effectuer le travail convenu. Notre Code n’est heureusement pas silencieux sur la question puisqu’il avance qu’indépendamment de la dénomination et le mode de calcul le salaire est la rémunération ou les gains susceptibles d’être évalués en espèces et fixés par accord ou par la loi, qui sont dû par l’employeur à un travailleur en vertu du contrat de travail… (Article 135 du CT). Le salaire est donc une rémunération ou gain, il est indépendant du mode de calcul ou de la dénomination. Il est fixé soit par la loi (le salaire minimum) soit par accord (le contrat). Sans diminution de salaire veut dire sans diminuer la rémunération. Le contrat peut donc légalement fixer le salaire, c’est ce qui se passe lorsque dans un contrat, le salaire est fixé à 30,000.00 gourdes par mois. Quant à la loi, elle le fixe par les arrêtés sur le salaire minimum par exemple 350.00 gourdes par jour (en vertu de la loi 3-8, le salaire minimum est de 43,75 gourdes par heure). Vu que la rémunération est indépendante du mode de calcul, on ne peut s’en tenir qu’à la fixation légale. Par indépendante, nous voulons dire que, multiplier le salaire minimum par 8 heures puis par 30 jours pour payer le salaire mensuellement ne diminue ni ne maintient le salaire. Ce n’est qu’un mode de calcul, le salaire demeure fixé à 43,75 gourdes. Ainsi, calculer le salaire à payer en appliquant la loi 3-8 revient à multiplier le salaire minimum horaire par 8 heures puis par 26 jours. Pourquoi 26 jours ? Parce que 4 jours de repos non payés. Un tel calcul ne diminue pas le salaire qui, répétons-le, est fixé à 43,75 gourdes indépendamment du mode de calcul.

Dans un contrat de travail ayant fixé le salaire à 30,000.00 gourdes par mois, on ne peut non plus le diminuer. Pourquoi ? Parce que le salaire a été fixé cette fois par accord. Ce salaire ne vaut pas par calcul 1,000.00 gourdes par jour, le salaire étant indépendant du mode de calcul de paiement. Dans ce cas, on ne peut le diviser par 30 pour avoir un salaire journalier car, fixé par mois sauf en cas de résiliation de contrat de travail. La preuve en est bien grande qu’on ne paie pas un salaire de 31,000.00 gourdes pour les mois de 31 jours ni 28,000.00 pour un mois de février avec 28 jours. Le salaire étant fixé mensuellement se paie tous les mois indépendamment du nombre de jour de ce mois. Par conséquent, même avec quatre jours de repos le salaire mensuel demeure le même car indépendant du calcul que l’on pourrait en faire et le nombre de jour de ce mois. Dans ce cas précis de la fixation du salaire par contrat de travail les jours fériés et de repos ne sont pas payés c’est le mois qui l’est.

Donc, ne pas payer les jours de repos et fériés ne diminue pas le salaire, que ce dernier soit fixé par la loi ou par accord. La différence se situe dans le fait que pour la fixation par la loi, le paiement du salaire varie à chaque date choisie alors que par accord fixant le salaire mensuellement, il reste constant. Il faut, bien sûr, éviter de confondre le paiement du salaire et le salaire. Le salaire est une rémunération dont la fixation légale peut être de 43,75 gourdes par heure, pour procéder à un paiement à la quinzaine, il faut faire un calcul. Le paiement exige un calcul, car le salaire fixé ne se paie en fonction de sa mesure, nous voulons dire que le salaire minimum horaire ne se paie pas toutes les heures. Alors que dans la fixation mensuelle du salaire par accord, il se confond avec sa mesure, on ne paie 30,000.00 gourdes par mois tous les six mois.

Sans diminution du salaire veut dire sans diminuer le salaire fixé par la loi ou fixé par accord.

Ne peut ravir les droits acquis

Le troisième argument de ceux qui croient que la loi 3-8 n’a pas éliminé le paiement des jours de repos hebdomadaire est le droit acquis. Le droit acquis s’applique dans le droit de propriété. Une personne qui acquiert des droits sur une propriété sous l’application d’une loi, elle ne perd pas ses droits si une autre loi postérieure à la précédente vient changer les conditions d’acquisition de propriété, c’est le principe de la non-rétroactivité de la loi postérieure. Le droit acquis s’applique à la propriété si bien que le changement de propriétaire maintient le droit car c’est le propriétaire qui change et non l’immeuble. L’erreur est de croire que le droit acquis s’applique au droit du travail. Dans ce champ du droit on parle plutôt d’acquis sociaux. Ce sont des droits collectifs obtenus par les employés dans le cadre de luttes comme les grèves. Les combats des syndicats ont abouti au cours de l’histoire au congé annuel payé, congé maternité, à la durée de 48 heures de travail par semaine. Les acquis sociaux sont fixés par la loi, ils peuvent donc disparaître par une autre loi. On parle de perte des acquis sociaux. On peut valablement avancer que les employés haïtiens ont perdu l’acquis social qu’est le repos hebdomadaire et jour férié payés mais le concept n’implique pas ni tacitement ni expressément par principe sa perpétuation face à une loi abrogative.

Non-rétroactivité de la loi

Dernier argument avant la défaite : la loi ne rétroagit pas, donc on ne peut appliquer la loi 3-8 aux employés qui travaillent déjà. Un employé qui habituellement était payé même lorsqu’il ne travaillait pas les jours de repos et fériés devrait par non-rétroactivité de la loi continuer à être payé. Le contrat de travail est ce qui lie l’employeur à l’employé. Il est à exécution successif, c’est-à-dire qu’il s’exécute d’instant en instant contrairement à un contrat de vente qui s’exécute le plus souvent instantanément. Etant donné qu’on ne peut plus parler de droit acquis ou d’acquis sociaux, la loi 3-8 ne rétroagira pas sur les paiements des jours de repos qui ont déjà été faits. L’employé ne va pas rembourser à son patron ces paiements car le principe de non-rétroaction de la loi s’applique. Cependant, le contrat étant encore en exécution après la publication de la loi, elle s’applique au futur paiement. La loi 3-8 est publié le 21 septembre 2017, elle ne rétroagira pas sur les paiements faits avant cette date mais le sera sur tous ceux qui se feront après cette date. Toutefois, le chapitre Du repos hebdomadaire et des jours fériés n’est pas en deuil pour tous ses articles. Il reste encore les articles 112 à 119. Cela a pour conséquence le maintien du paiement avec majoration de 50% des travaux effectués par les employés durant les jours de repos et fériés. Ce qui a changé c’est que l’employé ne sera pas payé pour les jours où il n’ira pas travailler comme aux Etats-Unis d’Amérique.

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La plupart des employés sont habitués à l’idée que le dimanche, les entreprises dans lesquelles ils travaillent, ferment leurs portes. C’est le jour où ils se reposent avec leurs familles après l’église du dimanche. Cette normalité (sauf pour quelques employés) est une disposition légale inscrite dans le chapitre en question, le titre est déjà assez explicite.
La plupart des employés sont habitués à l’idée que le dimanche, les entreprises dans lesquelles ils travaillent, ferment leurs portes. C’est le jour où ils se reposent avec leurs familles après l’église du dimanche. Cette normalité (sauf pour quelques employés) est une disposition légale inscrite dans le chapitre en question, le titre est déjà assez explicite.
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